JOURNEY – Paris, le Bataclan 16 juin 2009
Par Eric Ouaknin

Si on demandait aux fans d’AOR du monde entier de ne citer qu’un seul nom de groupe qui représenterait le mieux le style, il y a fort à parier que c’est le nom de JOURNEY qui sortirait le plus souvent des bouches. Ce n’est pas non plus un hasard si le plus grand label de rock mélodique porte le nom de Frontiers, titre du légendaire album sorti par le quintet de San Francisco en 83. La venue d’un groupe de rock FM en France est si rare qu’elle fait figure d’évènement mais lorsqu’il s’agit d’une icône, qui n’avait pas foulé notre sol depuis un soir de mars 79, on peut parler, sans exagération aucune, de l’évènement musical des ces 30 dernières années en matière de rock FM ! D’ailleurs, ce soir, pas de 1ère partie, c’est un soir avec JOURNEY, comme le titre la devanture du Bataclan, et uniquement avec JOURNEY ! Ce ne sont pas moins de 1470 spectateurs qui ont répondu présents au rendez-vous pour venir apprécier une musique qui d’ordinaire n’ameute pas les foules dans notre beau pays.

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Comme c’est devenu la coutume lors des concerts de JOURNEY, c’est le tôlier en personne, Neal Schon, qui se présente seul sur scène, ovationné comme il se doit par la foule toute entière qui bouillonne dans la fournaise du Bataclan (qu’on devrait peut-être rebaptiser Bata-volcan). L’ex-guitariste de Santana nous tape une intro sous forme de solo mélodique dont il a le secret, repoussant de quelques minutes encore les limites de notre impatience.

Selon les tournées ou même les dates, " Seperate Ways " est joué soit en attaque de set ou en fin de show. Ce soir, les américains ont décidé de le balancer d’entrée, mettant le public complètement en liesse. Nul doute que les californiens ont déjà gagné le match mais ils vont également y mettre la manière en nous offrant un show de pas moins de 2h10 ! La set list, perfectible (j’y reviendrai), s’articule autour du dernier album" Revelation " pour 1/3 environ, et d’une collection de hits que le combo a emmagasiné tout au long de son impressionnante carrière, pour les 2 tiers restants. Ainsi, après " Never Walk Away ", c’est sans surprise que nous entendons défiler " Only the Young ", " Ask the Lonely " et " Stone in Love ", ces 3 titres étant pratiquement toujours joué en début de concert. Le son est très bon même si j’ai entendu un des organisateurs et fan de longue date se plaindre que la voix était mixée trop en arrière. D’où je me tenais, je n’ai pas eu cette impression. Après cette belle série sans le moindre temps mort, Arnel Pineda s’éclipse pour laisser Deen Castronovo chanter " I’ll be alright without you ", tiré de l’album le plus " calif " de JOURNEY, " Raised On Radio ".

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De retour, Arnel nous dédie " After All These Years " en nous rappelant que le groupe n’était pas venu nous rendre visite depuis bien longtemps, arrivant presque à nous faire croire que cette chanson avait été composée spécialement pour nous. Il n’en demeure pas moins que c’est une ballade magnifique et que son interprétation ce soir en arrive presque à nous faire gober ce que le chanteur philippin nous avance. Après le très énergique " Change for the Better ", un des tous meilleurs morceaux de " Revelation ", Jonathan Cain ne trouve pas mieux pour nous fatiguer qu’ un solo d’harmonica aussi long qu’inutile. Comment peut-il penser que cela puisse nous passionner ? Ca a tout juste le mérite de nous retirer une chanson. Après cette torture, les musiciens pansent enfin nos blessures avec 3 de leurs incontournables hits, ceux que le groupe joue durant quasiment tous ses concerts en tête d’affiche : " Wheel in the Sky " , " Lights ", et " Open Arms ".

Plutôt que de nous fatiguer avec un dispensable solo de batterie, Deen Castronovo va nous surprendre là où on ne l’attend pas forcément ; le batteur, prisonnier dans sa cage de verre, nous avait déjà donné un petit aperçu des ses talents vocaux sur " I’ll be alright without you " ; il va nous ‘écœurer’ une fois pour toutes avec une magistrale interprétation de " Mother, Father " qui est pour moi un des 3 meilleurs morceaux de toute la discographie de JOURNEY. " Mother, Father " fut incontestablement l’un des highlights de cette soirée. Retour à l’album " Revelation" avec " Wildest Dreams ", " Where Did I Lose Your Love " et surtout la sublime et dramatique ballade " What I needed " (mais pourquoi n’as tu pas filmé celle-là, Thierry !?) ponctuée par un long et magnifique solo (absent de la version studio) de Neal Schon. Une version qui nous frustre du coup car c’est celle de ce soir qu’on aurait bien aimé voir figurer sur l’album studio .Bien que l'énergique " Escape " coupe quelque peu cette série de ballades et de mid-tempos, celle-ci reprend derechef avec les incontournables " Faithfully " et " Don't Stop Believing ".

C’est sur des chansons telles que " Faithfully " qu’Arnel Pineda se rapproche le plus de Steve Perry. Ce soir, le philippin a dû faire taire les derniers réfractaires. C’est " Anyway you want it " qui met fin temporairement à un show, certes long, mais qui est passé bien trop vite. Les ricains réapparaissent pour un 1er rappel sans surprise avec leur hit bluesy " Lovin', touchin', squeezin' " que j’aimerais bien personnellement voir disparaître un jour des set-lists et " Be good to yourself ", un autre standard dont l’unique intérêt réside dans le magnifique solo de Neal sur lequel le public parisien va chanter en chœur. C’est dans ces moments-là que la différence entre le public européen, plus chaud, plus bruyant, qui boit chaque seconde offerte par un groupe rare, et le public américain, presque blasé, capable d’aller acheter du pop corn pendant le solo de " Who’s cryin’ now ", est la plus marquante.

J’espère que Jonathan Cain (qu’on aura vu étonnamment autant à la guitare que derrière son piano) et ses compagnons ont été touchés par l’accueil du public français et que cela aboutira à une prochaine visite.

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Une seule chanson pour le second et dernier rappel mais elle en vaut deux puisque c’est " Who's cryin' now ", avec son légendaire solo de guitare, que tous les fans attendaient qui est jouée en guise de dernier morceau. Cette pièce essentielle dans le répertoire de JOURNEY avait pourtant été écartée lors des 1ères dates européennes!

Pour parfaire un concert qui l’était somme toute presque, je ferais un petit reproche au niveau de la set-list, sans réelle surprise et au lieu de nous faire bailler avec votre harmonica Mr Cain, vous auriez pu jouer par exemple " Edge of the blade " (joué à Dublin) ou un morceau datant de l’ère Augeri, ou bien encore " One more ", tiré de " Trial By Fir e" que les norvégiens ont eu la chance d’entendre à Oslo.

Voilà, c’est terminé mais cette soirée restera à tout jamais gravée dans ma mémoire grâce à Olivier Garnier qui s’est complètement impliqué dans le projet (sa bataille pour faire venir les californiens ne date pas d’aujourd’hui), Alias Productions, qui a permis à un maximum de gens d’assister à cette messe en appliquant un prix décent, chose assez rare de nos jours pour vouloir le souligner et enfin grâce au public, nombreux, qui a répondu présent.